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Dans notre blog dédié aux familles de personnes souffrant de schizophrénie, nous recevons régulièrement des questions sur la manière de gérer les différentes situations auxquelles elles sont confrontées. Aujourd’hui, nous abordons une question posée par une compagne d’un homme atteint de schizophrénie, qui se demande comment gérer sa relation avec lui, en particulier en ce qui concerne, ce que l’on appelle, l’émoussement affectif (pauvreté de l’expression émotionnelle qui peut donner une sensation de froideur dans la relation).
Voici la question :
Je suis amoureuse d’un schizophrène. Mon compagnon est froid et semble dépourvu d’émotions. Il me dit qu’il ne ressent rien, qu’il n’éprouve aucun sentiment à part de l’estime pour moi. Est-ce vrai que les personnes atteintes de schizophrénie ne connaissent pas l’amour ? Comment dois-je gérer cette situation ? Auriez-vous des conseils à me donner ?
On imagine très bien la tristesse ressentie à entendre ces mots… Ce doit être si douloureux. Je suis désolée que vous ayez à vivre cela. 😔
Malheureusement, en effet, malade ou non, il est possible qu’il ne soit pas amoureux. Et ça… Ça fait mal au cœur, mais c’est la vie. Pas facile de rencontrer quelqu’un de qui on tombe amoureux et qui ait les mêmes sentiments en retour. 😕
Mais, il est également possible que son manque d’intérêt et sa froideur apparente soit due à une difficulté méconnue que peuvent ressentir certaines personnes souffrant de schizophrénie : l’émoussement affectif. On verra que ça ne signifie pas nécessairement qu’elles ne peuvent pas être amoureuse et attachée à quelqu’un.
Dans cet article, vous découvrirez ce qu’est l’émoussement affectif dans la schizophrénie et comment il peut impacter les relations amoureuses. Nous aborderons également les traitements et prises en charge pour améliorer l’émoussement affectif et les symptômes négatifs, ainsi que des conseils pour mieux comprendre et interagir avec un proche souffrant d’émoussement affectif. Enfin, nous vous donnerons des conseils pour prendre soin de vous et définir vos limites dans la relation.
1. L’émoussement affectif et l’anhédonie dans la schizophrénie
L’émoussement affectif (diminution de l’expression émotionnelle) et l’anhédonie sont des symptômes dits « négatifs » courants de la schizophrénie. Selon le Dr. Jordy dans sa thèse, les syndromes négatifs seraient présent chez 15 % des personnes lors des premiers épisodes et 25 à 30 % lors des phases chroniques (Kirkpatrick et al. 2001). Oui. Ça fait vraiment une grande prévalence. 😐
Ces deux symptômes se caractérisent par une diminution de la capacité à ressentir et à exprimer des émotions, ainsi que par une perte d’intérêt pour les activités agréables.
Les personnes atteintes peuvent sembler distantes, froides, détachées ou indifférentes aux événements qui se produisent autour d’elles. Elles peuvent avoir des difficultés à exprimer leurs sentiments ou à comprendre ceux des autres personnes, ce qui peut causer des malentendus ou des conflits dans la relation.
Il est important de garder en mémoire que ce n’est pas un choix, que ce n’est pas une volonté de la personne malade. Bien souvent, elle souffre elle aussi de la situation.
Pour en savoir plus sur la schizophrénie et ses symptômes, vous pouvez consulter notre article « La schizophrénie, c’est quoi ?«
2. L’impact de l’émoussement affectif sur les relations amoureuses et les défis à relever
L’émoussement affectif peut avoir un impact important sur les relations amoureuses, créant des défis spécifiques pour les couples où l’un des partenaires souffre de schizophrénie. Voici quelques-uns des défis les plus courants et des conséquences de l’émoussement affectif sur les relations amoureuses :
- Difficultés à exprimer l’amour et l’affection : Les personnes souffrant d’émoussement affectif peuvent avoir du mal à exprimer leur amour et leur affection. Ceci qui peut entraîner des sentiments de rejet ou d’insécurité chez leur partenaire.
- Manque de soutien émotionnel : Le partenaire qui ne souffre pas de schizophrénie peut se sentir seul, rejeté, ignoré et insatisfait en raison du manque de soutien émotionnel et de réciprocité dans la relation.
- Incompréhensions et conflits : Les différences dans la manière dont chaque partenaire exprime et ressent les émotions peuvent entraîner des malentendus et des conflits. Cela peut rendre difficile la communication dans le couple.
- Sentiment de culpabilité : Le partenaire qui ne souffre pas de schizophrénie peut se sentir coupable de ressentir de la frustration ou de la colère envers l’autre partenaire en raison de ses difficultés à exprimer ses émotions.
Il est crucial de reconnaître et de comprendre ces défis afin de les aborder de manière constructive et adaptée à votre situation. Devant ces obstacles, adopter une approche compréhensive et empathique sans vous négliger est primordial. Afin de vous aider à surmonter ces difficultés et à maintenir une relation saine et équilibrée, les parties suivantes traiteront des traitements et prises en charge pour améliorer l’émoussement affectif et les symptômes négatifs (oui, oui ils existent 😊), ainsi que des conseils pour mieux comprendre et interagir avec un proche souffrant d’une diminution de l’expression émotionnelle et pour prendre soin de soi et définir ses limites dans la relation.
3. Comment traiter l’émoussement affectif dans la schizophrénie : médicaments, psychothérapie et réadaptation psychosociale
Sachez qu’il existe des traitements et des prises en charge qui peuvent contribuer à atténuer l’émoussement affectif et les autres symptômes négatifs de la schizophrénie. Parmi ceux-ci, on trouve :
- Médicaments : Certains médicaments antipsychotiques peuvent être efficaces pour atténuer les symptômes négatifs, bien que leur efficacité sur ces symptômes puisse varier considérablement d’une personne à l’autre.(*)
- Psychothérapie : La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et la thérapie de remédiation cognitive peuvent aider les personnes atteintes de schizophrénie à développer des stratégies pour mieux gérer et exprimer leurs émotions. Le programme PEPS a notamment, conçu par Jérôme Favrod pour améliorer les symptômes négatifs, dont l’émoussement affectif, a montré des résultats significatifs. Selon une étude de validation, ce programme a permis une amélioration des symptômes chez 68% des participants.
- Programmes de réadaptation psychosociale : Ces programmes peuvent aider les personnes atteintes de schizophrénie à améliorer leurs compétences sociales et émotionnelles, ce qui peut avoir un impact positif sur leur capacité à nouer des relations amoureuses et à exprimer leurs émotions.
- Psychoéducation et groupe de soutien familiaux : Ces groupes permettent aux familles et aux partenaires d’échanger des conseils, des expériences et des ressources pour mieux comprendre et gérer l’émoussement affectif et les autres symptômes négatifs.
Pour en savoir plus sur ces traitements et prises en charge vous pouvez lire notre article en cliquant ici.
Voici le témoignage de Val qui illustre très bien l’impact positif possible de la psychoéducation familiale (ici le programme Profamille) sur la gestion de l’émoussement affectif de sa fille :
Grâce à la formation Profamille, j’ai appris à mieux comprendre et gérer l’émoussement affectif de ma fille. J’ai notamment appris à communiquer et répéter avec patience, ainsi qu’à éviter la sur-émotion face à elle, qui a du mal à la « lire ». Si Je ne suis pas infaillible, parfois décontenancée et épuisée, je constate une réelle amélioration de notre relation grâce à cette formation. Hors crises, ma fille est très démonstrative et affectueuse, je l’appelle « ma Glue ». Je recommande cette formation à tous les parents dépassés par la pathologie de leur enfant et qui cherchent à mieux gérer l’émoussement affectif. Je ne me résigne pas, je garde espoir d’un mieux-être pour elle… Mais aussi pour moi.
Témoignage de Val, maman de sa « Glue » d’amour qui souffre de schizophrénie. Profamille est un programme de psychoéducation à destination des familles de personnes souffrant de schizophrénie.
4. Comment gérer une relation amoureuse avec une personne souffrant d’émoussement affectif : conseils pratiques
Voici quelques conseils pour mieux comprendre et interagir avec un proche vivant une diminution de l’expression émotionnelle dans le cadre d’une relation amoureuse :
- Ne pas prendre personnellement leur indifférence : Il est important de se rappeler que leur manque d’émotion ou d’expression n’est pas un signe qu’ils ne se soucient pas de vous, mais plutôt un symptôme de leur maladie. Cela permet de ne pas créer de ressentiment ou de frustration inutile, et de préserver au mieux l’harmonie au sein de la relation.
- Encourager la communication ouverte et authentique : Discutez de ce qu’ils ressentent et de ce qu’ils sont capables d’exprimer, et partagez vos propres sentiments et préoccupations. Pour améliorer la communication, il est possible d’utiliser des techniques de communication efficaces, telles que l’écoute active, la reformulation et la clarification. Cela permet de limiter les incompréhensions, renforcer la confiance et favoriser un climat d’écoute et de soutien mutuel.
- Adapter vos attentes : Il se peut que votre partenaire ne soit pas en mesure d’exprimer ses émotions de la même manière que vous, et ajuster vos attentes en conséquence peut être nécessaire. Cela permet d’éviter les déceptions et les tensions, et de construire une relation basée sur l’acceptation et l’adaptation aux besoins de chacun.
5. Prendre soin de soi et définir ses limites dans la relation amoureuse
Il est crucial de ne pas s’oublier dans la relation et de prendre soin de soi-même. Voici quelques conseils pour définir ses limites et s’assurer que l’on prend soin de soi :
- Se poser des questions sur ce que l’on souhaite vivre dans la relation : Que souhaitez-vous vivre dans votre couple ? Qu’attendez-vous de votre relation ? Quelles sont vos limites et vos besoins ?
- Exprimer ses besoins et ses limites : Parlez-en avec votre partenaire et discutez de ce que vous êtes prêt(e) à accepter et de ce qui est inacceptable pour vous dans la relation. Voyez ensemble les adaptations qui peuvent être mises en place ou non.
- Prendre en compte ses propres émotions et bien-être : Assurez-vous de prendre soin de votre santé mentale et physique. Développez vos propres ressources de bien-être (jardinage, méditation, yoga,…) et n’hésitez pas à demander de l’aide si nécessaire à vos proches ou à un professionnel de santé.
- Accepter que la situation puisse évoluer : Les relations sont dynamiques, et les besoins et les limites de chacun peuvent changer au fil du temps. Soyez prêt(e) à réévaluer et à ajuster en fonction de l’évolution de la situation.
Conclusion
En conclusion, l’émoussement affectif et l’anhédonie sont des symptômes négatifs courants de la schizophrénie qui peuvent poser des défis importants dans les relations amoureuses. Il est essentiel de comprendre l’impact de ces symptômes sur la personne atteinte de schizophrénie et sur ses proches, et de reconnaître les difficultés qu’ils peuvent engendrer dans la vie de couple.
Toutefois, il est important de se rappeler que des traitements et des prises en charge existent pour améliorer l’émoussement affectif et les autres symptômes négatifs. Les médicaments, la psychothérapie et les programmes de réadaptation psychosociale peuvent jouer un rôle clé dans la gestion de ces symptômes et l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de schizophrénie et de leurs proches.
Dans une relation avec une personne souffrant de schizophrénie, il est crucial de communiquer ouvertement et de définir ensemble des limites, des attentes et des objectifs pour le couple. Les familles et les partenaires peuvent bénéficier de groupes de soutien et de ressources pour mieux comprendre et gérer l’émoussement affectif et les autres symptômes négatifs. N’oubliez pas de prendre soin de vous et de vos propres besoins tout en soutenant votre proche atteint de schizophrénie. En utilisant des techniques de communication efficaces et en cherchant des ressources supplémentaires, il est possible de maintenir une relation solide, aimante et épanouissante malgré les défis liés à la schizophrénie et à l’émoussement affectif.
Je vous souhaite beaucoup de bonheur et n’oubliez pas, vous aussi êtes important(e) !
J’espère que cet article vous a éclairé sur l’émoussement affectif dans la schizophrénie et comment gérer une relation amoureuse face à ce défi. Si vous avez des expériences ou des conseils à partager, n’hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous. Votre témoignage pourrait aider d’autres personnes dans des situations similaires.
Si vous trouvez cet article utile, pensez à le partager avec vos amis et votre famille sur les réseaux sociaux. Ensemble, nous pouvons soutenir ceux qui sont confrontés à l’émoussement affectif et à la schizophrénie dans leurs relations amoureuses.
(*) Attention à ne pas confondre l’émoussement affectif lié à la maladie schizophrénie avec les effets secondaires de certains traitements qui peuvent parfois également diminuer les émotions ressenties ou encore avec d’autres pathologies. Dans tous les cas, parlez-en avec le médecin pour qu’il évalue la problématique et propose une réponse adaptée.
Ressources :
- Programme de psychoéducation familiale Profamille
- Les différentes difficultés dans la schizophrénie dont l’émoussement affectif
- Les traitements et prises en charge de la schizophrénie
- Programme PEPS de Jérôme Favrod
- En savoir plus sur l’émoussement affectif
Merci pour cet article, ce sont des questions que l’ont voit souvent posées autour des difficultés qu’il y a parfois à être en couple avec une personne souffrant de cette maladie et c’est utile de rappeler qu’il existe des solutions ! 🙂