Traitements de la schizophrénie

Est-ce que mon frère schizophrène va rester coincé dans sa chambre toute sa vie, terrorisé par ses hallus ?

La schizophrénie inquiète bien souvent, avec nos articles précédents, nous savons maintenant qu’avoir une schizophrénie, ce n’est pas être un tueur en série. On a éliminé toutes les idées reçues sur cette maladie. Nous savons également ce qu’elle est réellement et d’où elle vient. Mais comment bien vivre avec cette maladie ? Comment sortir la tête de l’eau quand on souffre de schizophrénie ? Quels sont les traitements efficaces de la schizophrénie ?

Comme on l’a introduit dans le précédent article sur les origines de la schizophrénie, la prise en charge peut se faire autour des 3 axes bio-psycho-social.

  • Axe biologique : l’axe biologique nous conduit à viser la régulation de la dopamine,
  • Axe psychologique : l’axe psychologique nous dirige sur la gestion du stress, des processus cognitifs, émotionnels et comportementaux,…
  • Axe socioculturel : l’axe socioculturel vers le travail avec les familles et amis (oui, vous. Si vous n’êtes pas le problème, vous faites sans aucun doute partie de la solution), la destigmatisation de l’image de la maladie dans la société…

C’est-à-dire ? Concrètement, qu’est-ce que l’on peut proposer pour aider mon frère schizophrène ?

Je vais vous présenter les grands domaines d’action des prises en charge. Ces prises en charges sont validées depuis plus de 20 ans dans le domaine de la schizophrénie et l’accès est encore très mal réparti sur le territoire français. L’OMS les recommandait déjà en 98 ! (Je m’exclame, car ça fait plus de 20 ans et certaines sont toujours aussi méconnues même par pas mal de pro et leur accès est très mal réparti sur le territoire) : les neuroleptiques, les thérapies cognitives des symptômes psychotiques, la remédiation cognitive, l’entrainement des habiletés sociales, la psychoéducation familiale, le soutien à l’emploi.

1. La base du traitement de la schizophrénie : la régulation dopamine

Oui. Désolée pour ceux qui sont allergiques à l’idée que des traitements médicamenteux pourraient être proposés aux personnes souffrant de schizophrénie, mais c’est le traitement de base et j’irais même jusqu’à dire que nous avons beaucoup de chance de vivre à une époque où nous disposons de traitements variés et efficaces pour réguler biologiquement au mieux les dysfonctionnements neurobiologiques de la schizophrénie. Il y a quelques décennies ce n’était pas la fête, on n’avait pas grand-chose à proposer aux personnes et très clairement ce n’était pas une époque où il faisait bon d’avoir cette maladie.

Les traitements médicamenteux de choix pour la schizophrénie sont les neuroleptiques ou les antipsychotiques. Il en existe plusieurs qui agissent de différentes manières. Ils permettent la diminution des symptômes psychotiques et limitent les rechutes.

Je ne suis pas en train de dire qu’ils sont miraculeux et parfaits. Non. Malheureusement, nous ne vivons pas encore dans un monde de Bisounours. Ils sont imparfaits.

Imparfaits dans le sens où toutes les difficultés que peuvent vivre les personnes malades ne sont pas entièrement améliorées. Il y a bien souvent des difficultés qui persistent malgré le traitement par neuroleptiques.

Et imparfaits dans le sens où ils ne sont pas exempts de risques d’effets secondaires.

La régulation de la dopamine dans la schizophrénie : les neuroleptiques
Le traitement de choix pour la régulation de la dopamine dans la schizophrénie : les neuroleptiques

Le travail du médecin psychiatre dont c’est la spécialité, en collaboration avec la personne malade est de trouver le bon médicament à la bonne dose. C’est-à-dire, de sélectionner le neuroleptique qui va avoir le plus d’effets bénéfiques et le moins d’effets désagréables (voire néfastes) pour la personne. Il est impossible de savoir à l’avance quel va être le bon médicament. Les médecins se servent de recommandations scientifiques pour proposer celui qui a le plus de chance d’être l’élu dans le cas spécifique du patient. Ils évaluent les effets à doses efficaces et proposent des changements de dose ou de molécule si les résultats ne sont pas satisfaisants.

J’ai écrit LE neuroleptique au singulier, car c’est ce qui est privilégié en général par les médecins, mais il arrive qu’il soit nécessaire de prescrire plusieurs neuroleptiques pour réguler les troubles d’un patient.

1.2 Oh ! Génial ! on a trouvé un médicament qui fonctionne bien pour mon frère ! Ça l’aide beaucoup ! Mais pourquoi au bout de quelques années, Patatra ! il va de nouveau plus mal ?!?

Oui. Ça peut arriver. Vous vous rappelez l’article précédent sur les origines de la schizophrénie (je vous invite à le relire si les choses ne sont pas fraiches dans votre tête). Je vous avais expliqué que le cerveau ne savait plus réguler la dopamine et que celle-ci était présente en excès. Et bien, le neuroleptique vise à ce que la quantité de dopamine soit adaptée, mais pendant ce temps-là le cerveau, lui, continue à ne pas savoir gérer. Donc, parfois il continue à déréguler la dopamine et dans ce cas, il faut faire des ajustements de traitement. C’est pour cette raison que le suivi avec le psychiatre est nécessaire. Il faudra parfois ajuster la dose ou changer de molécule ou ajouter une molécule.

1.2 Mon frère a arrêté son traitement. Ça a recommencé et maintenant le traitement ne marche plus !?!

Il est très fréquent qu’en début de maladie les personnes malades qui ne sont pas bien informées de la maladie arrêtent leur traitement.

Ben oui. Si on ne connait pas bien, c’est logique d’arrêter son traitement quand ça va mieux. Pour la plupart de nos expériences avec les médicaments, ça marche comme ça : J’ai mal à la tête, je prends un cachet. J’ai plus mal. J’arrête de prendre le médicament. J’ai le nez qui coule, je prends un pchitt. Il ne coule plus, j’arrête de le prendre… On est même incités à grand renfort de pub à ne pas prendre des médicaments trop longtemps. Mais si, je sais que vous l’avez « les antib…, c’est pas aut… ». Bref. Vous m’avez comprise. Cette attitude est cohérente avec ce que l’on a bien souvent appris dans notre rapport aux médicaments.

Malheureusement, ici, nous ne sommes pas dans une situation similaire. Nous sommes dans une situation de maladie chronique, c’est-à-dire que l’on ne sait pas faire en sorte que le cerveau sache à nouveau réguler la dopamine. Donc, comme d’autres maladies telles que le diabète, les dérégulations de thyroïdes chroniques, nous avons la chance de disposer de traitements médicamenteux pouvant suppléer le corps qui dysfonctionne et du coup, ben… Il ne faut pas arrêter le traitement sans raison, au risque à nouveau d’avoir des difficultés. Ce qui peut être surprenant pour les personnes qui testent d’arrêter leur traitement, c’est qu’ils ne vont avoir de nouveaux symptômes que trois à six mois plus tard. S’ils ne sont pas bien informés, ils ne font souvent pas le lien entre l’arrêt du traitement et les difficultés qui réapparaissent.

Le plus ennuyeux avec les arrêts intempestifs de traitements qui fonctionnent, c’est que parfois, lorsque l’on reprend le même traitement à la même dose, ben… Il me marche plus. Et l’augmentation de la dose ne fonctionne pas davantage. Et là, c’est vraiment la galère, car il faut à nouveau trouver une molécule qui fonctionne pour la personne et c’est parfois très compliqué. Les psychiatres sont parfois obligés d’ajouter plusieurs molécules pour une efficacité parfois insatisfaisante…

Pour davantage d’informations concernant les neuroleptiques, dirigez-vous vers un psychiatre ou un médecin généraliste.

A l’heure actuelle, les traitements neuroleptiques ne suppriment pas toutes les difficultés des personnes schizophrènes. Il reste souvent des points de galère qui peuvent être handicapants. Mais, la bonne nouvelle, c’est qu’on sait quoi proposer pour améliorer les choses.

Une fois le traitement neuroleptique satisfaisant trouvé, les autres propositions thérapeutiques vont être faites avec parcimonie, c’est-à-dire uniquement en fonction des besoins spécifiques des personnes. Les difficultés persistantes seront évaluées finement et on proposera des prises en charge adaptées. Je vous les présente ci-dessous.

2. Les traitements psychologiques de la schizophrénie

2.1 Thérapies cognitives des symptômes psychotiques

Les thérapies cognitives dans la schizophrénie sont un traitement validé depuis des années pour la schizophrénie. Elles permettent une augmentation de la conscience du trouble et visent la diminution des symptômes positifs et, depuis quelques années, les symptômes négatifs. Elles s’attachent à permettre à la personne souffrant de schizophrénie de gérer les hallucinations résiduelles, les idées délirantes, le manque d’initiative (aboulie).

« Les thérapies cognitives et comportementales se sont développées dans le champ de la psychose comme une prise en charge adjuvante à la chimiothérapie. En effet, une proportion importante de patients (entre 30 et 40%) n’obtient qu’une rémission partielle, et subissent la persistance de symptômes psychotiques. Les TCC se proposent à travers des techniques structurées, d’aider les patients souffrant de schizophrénie à faire face (coping) aux symptômes psychotiques qui ne sont pas contrôlés par la médication (Haddock et al., 1999). Elles ont comme objectif de diminuer l’intensité et la sévérité des symptômes. » Hardy-Baylé, 2015

2.2 Remédiation cognitive

La remédiation cognitive est un entrainement des fonctions cognitives altérées (mémoire, attention, planification,…) afin d’augmenter les performances neuropsychologiques et retrouver un fonctionnement cognitif adapté. Et oui. Comment avoir un travail, suivre une formation ou même sortir avec des amis lorsque l’on a des difficultés de mémorisation, de concentration et/ou de planification ? On peut réentraîner ces fonctions de la même manière qu’un kiné va réentraîner le corps pour le rendre plus fonctionnel.

Cerveau qui fait du vélo d'appartement pour illustrer la remédiation cognitive.
image : cerveau et cognition de Lorena Biret
La remédiation cognitive permet de réentraîner les fonctions cognitives (mémoire, attention, planification…) altérées par la schizophrénie

2.3 Entrainement des habiletés sociales

La maladie peut écarter les personnes souffrant de schizophrénie de leurs relations sociales et ce, depuis des années. Elles peuvent ne plus savoir comment s’y prendre pour entrer en contact de manière adaptée ou ne l’avoir jamais appris. Un entrainement aux habiletés sociales peut les aider à remédier à cela et leur permettre de développer un réseau amical ou professionnel, d’améliorer leur fonctionnement social et diminuer les symptômes négatifs.

2.4 Psychoéducation familiale

Oui. Oui. On parle bien de vous, la famille (ou les amis). Oui. Oui. On est bien dans un article sur les traitements des personnes qui souffrent de schizophrénie. Voici pourquoi ça vous concerne :

En donnant de l’information aux familles sur la maladie (=psychoéducation familiale), celles-ci comprennent mieux ce qui se passe pour la personne, elles vivent mieux les choses (moins de dépression, moins d’épuisement, moins de colère inadaptée…). Si à cela, on ajoute une formation pour communiquer de manière adaptée avec son proche, pour gérer les émotions liées à la maladie de son proche et ben, non seulement elles vont mieux, on diminue le stress intrafamilial, mais en outre la personne malade va mieux aussi : il y a moins de rechute, moins d’hospitalisation et s’il y a hospitalisations, celles-ci durent moins longtemps.

« La psychoéducation des familles est une intervention particulièrement efficace : l’amplitude de son effet sur la prévention de la rechute est proche de celle des traitements. Elle bénéficie d’un haut niveau de preuve ainsi que d’une rentabilité économique avérée (Mino, Shimodera, Inoue, Fujita, & Fukuzawa, 2007). Elle apparaît encore trop peu développée dans notre pays (Y. Hodé, 2013). » Hardy-Baylé, 2015.

Donc, c’est double effet : pour vous et pour votre proche malade et on vit dans un monde de Bisounours où tout le monde est heureux ! Non. On se calme. Rien de magique. La vie, c’est pas les Bisounours (je ne sais pas ce que j’ai avec les Bisounours aujourd’hui). Donc non, rien de magique, toutefois, on obtient : amélioration de l’humeur des familles et amélioration de la santé des personnes souffrant de schizophrénie. Donc, ça vaut vraiment le coup et c’est pour ça que j’ai décidé de créer ce projet de blog et de formation. ☺

2.5 Soutien à l’emploi : soutien au projet de vie

Le soutien à l’emploi, mais j’ai envie de dire plus largement, soutien au projet de vie vise à l’augmentation de l’insertion professionnelle et du maintien dans l’emploi (lorsque c’est possible et souhaité par la personne) ou, si on élargit ce point, vise au développement de la personne. A ce jour, lorsque l’on souffre de schizophrénie, on ne sait pas faire en sorte que le cerveau seul sache à nouveau réguler la dopamine, mais ça ne veut pas dire que l’on ne peut pas se rétablir avec la schizophrénie. C’est-à-dire, développer une vie riche et pleine, stimulante, enrichissante. On appelle ce chemin : le rétablissement.

Contrairement aux idées reçues, beaucoup de personnes souffrant de schizophrénie sont rétablies : elles travaillent ou pas, elles ont une vie de famille ou pas, mais elles ont construit une vie leur apportant de la satisfaction. Le soutien à l’emploi ou au projet de vie peut leur permettre d’avancer sur ce chemin si elles en ont besoin. Oui. Oui. C’est possible ! Il est possible de se rétablir de la schizophrénie. Encore une fois, ça ne veut pas dire avoir une vie de Bisounours et des paillettes partout, mais juste (et c’est déjà beaucoup) vivre pleinement sa vie (avec ses emmerdements naturels, car la vie n’épargne personne). Les personnes souffrant de schizophrénie peuvent se construire une belle vie !

Image de nounours et de ballons de couleur rose et bleu layette avec message : la vie c'est pas les Bisounours
La vie c’est pas les Bisounours, mais on peut se construire une belle vie malgré la maladie schizophrénie : le rétablissement

Nous avons vu les traitements efficaces de la schizophrénie : les traitements médicamenteux, les psychothérapies comportementales et cognitives, la remédiation cognitive, l’entrainement aux habilités sociales, la psychoéducation familiale, le soutien à l’emploi et du projet de vie.

Du coup, on arrive à quoi ? c’est quoi les perspectives de vie pour mon frère schizophrène ?

↓↓↓ Connaissiez-vous toutes ces possibilités de traitement ? Dites-le-moi dans les commentaires ↓↓↓

Références :

  • Guide médecin de l’HAS pour la schizophrénie (2007)
  • M.-C. Hardy-Baylé, 2015, RAPPORT – Données de preuves en vue d’améliorer le parcours de soins et de vie des personnes présentant un handicap psychique sous tendu par un trouble schizophrénique. Centre de Preuves en Psychiatrie et en Santé Mentale
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4 Replies to “Traitements de la schizophrénie

Est-ce que mon frère schizophrène va rester coincé dans sa chambre toute sa vie, terrorisé par ses hallus ?”

  1. Je retiens ton idée “La vie c’est pas les Bisounours, mais on peut se construire une belle vie malgré la maladie”. Bravo pour ce bel état d’esprit et pour l’ensemble du travail soigné et détaillé de ton blog 🙂

  2. Sylvie Blot dit : Répondre

    Quelles sont les étapes du rétablissement s’il vous plaît ?

    1. Bonjour Sylvie,
      Vous trouverez le résumé des étapes du rétablissement dans cette infographie : https://mafamilledeouf.com/infographie-les-5-etapes-du-retablissement-en-sante-mentale/
      Si vous voulez plus d’information, vous trouverez cela dans cet article : https://mafamilledeouf.com/retablissement-psychologique/ et dans la vidéo associée vous saurez ce que les professionnels peuvent proposer à la personne malade en fonction de l’étape dans laquelle elle se trouve.
      J’espère que cela répond à votre question.
      A bientôt,
      Ma famille de ouf

  3. Vissié nicole dit : Répondre

    Bonjour,
    Mon fils est rétabli, mais quand vous évoquez le soutien à l’emploi et le projet de vie cela me fait « bouillir »; impossible de trouver un logement, personne ne loue à quelqu’un qui perçoit l’AAH, même avec la garantie visale; quand aux logements sociaux l’attente est de plusieurs années; Et pour l’emploi n’en parlons pas!

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